Nana-Sonj

O Sonjal Emaon

Mardi 19 avril 2011 à 23:55

Chère page blanche,

 

 

     Je suis un équilibre instable. Je suis un assemblage, un bricolage. Je suis une poupée rafistolée.

     J'avais trouvé les bons mots ce matin, mais je les ai perdus depuis. J'ai du mal à savoir qui je suis. Et pourtant, c'est en même temps évident.

 

     Je suis née à sept ans. Non pas sortie d'un caisson façon Kyle XY, mais dans une chambre d'hôpital. J'ai deux anniversaires, et aucun n'a plus de sens que l'autre.

     Je me suis construite en symbiose, petit à petit. J'ai appris à avoir des repères. J'ai donné beaucoup d'importance au corps. Non pas à l'apparence, mais à la machine que je suis : j'ai construit ma vie selon les besoins de mon organisme. Je ne manque pas un seul repas, et je mange à horaires fixes. Chaque décision est un calcul pour être adapté à ma situation. Ma vie est comme un planning prévisionnel, une anticipation de chaque possibilité. 

 

Et ce que j'aime plus que tout, c'est la spontanéité.

 

     Mon être entier est une contradiction, une opposition et un combat. Entre ce que j'ai appris à être pour pouvoir vivre, et mes désirs. Parce que ce principe de vie est une survie, et que des efforts n'ont pas de sens s'ils sont pour un mode d'existence que je hais. 

Je passe mon temps à me contredire. Tu le sais. Tout le monde le sait.

 

     Je hais ma maladie. Cette chose qui vit en moi et qui me façonne. J'aimerais ne jamais y penser.

     Mais pose-moi une seule question en rapport avec, et je ne m'arrêterai pas d'en parler avant la nuit. Je ne te décrirai pas une pathologie, certainement pas. J'ai oublié la plus grosse partie de ce qu'on m'a appris il y a bien longtemps. Je ne veux pas savoir. Mais je peux te parler de la relation que nous vivons, lui et moi.

 

     Il est ce monstre qui fait que je n'écoute que mes sensations. Que je change du tout au tout, et que j'en perde le souvenir. Qui formate chacune de mes pensées, qui contrôle mon corps. Qui m'a volé mon identité et ma vie il y aura bientôt treize ans. Celui qui me possède.

Je le hais, mais je le garde précieusement contre mon coeur.

     Je suis son oeuvre, cette chose absurde parfaitement spéciale. Et il est ma plus belle excuse, mon plus beau prétexte. Cette chose incompréhensible pour la majorité. Le Ravissement de Lol V Stein, c'est un peu ça. Tant que je me soumets à lui, que j'obéis à ses règles, il me permet de contourner les autres. Grâce à ce monstre, je n'en fait qu'à ma tête.

     L'excuse suprême, l'impératif.

"J'ai besoin de". "Il me faut". "C'est parce que".

     J'ai le monde à mes pieds, ou presque.

     Il est mon refuge, pour si quelqu'un osait me refuser ce que je veux. Accuser quelqu'un de ne pas comprendre, c'est formidable. C'est jouissif.

     J'aime voir les autres s'en vouloir, regretter.

     Il fait de moi une personne aigrie, et me console ensuite. 

     Il est, une fois de plus, la meilleure excuse pour être odieuse. Avec une explication scientifique.

 

     Je me complais dans ma vie de malade. Je suis un être déformé. Avec une légère conscience de mes travers, même si je suis loin d'en avoir fait le tour.

     Tout se mélange, s'entremêle. Je ne saurais dire où s'arrête ma volonté là dedans.

 

     Ma conscience évolue avec l'âge, et l'expérience. Je sais que les choses m'échappent totalement lorsqu'il décide de faire des siennes. Je vis des expériences que d'autres personnes ne vivront jamais. Je souffre. Cette souffrance n'est pas quotidienne, mais elle est là, profondément enfouie dans mon être. 

     Je t'avais dit qu'il serait difficile de m'arrêter.

     J'aurais tant de choses à dire, mais rien n'est structuré. Pour conclure, comme je le disais à S hier soir "Il y a deux êtres en moi, qui se pètent la gueule en permanence".

Voilà.

Mais me guérir serait me tuer.

 

 

     Rafistolée. Déstructurée. 

 

 

Belle journée.

Nana


Mardi 19 avril 2011 à 23:56

Chère page blanche,

 

 

 

     Je l'aime.

 

 

 

 

     Comme j'aimerais qu'il le sache.

     Comme c'est puéril, je sais. Je ne sais presque rien de lui, je ne peux que contempler son visage. Mais c'est pourtant bien l'amour qui m'emporte.

 

 

 Love. Love. Love.

Nana


Mardi 19 avril 2011 à 23:56

Chère page blanche,

 

 

     Un nouveau jour se lève. J'ai brisé mes chaînes, et de manière définitive cette fois. Je ne reviendrai pas en arrière. F fait partie du passé maintenant. J'ai tourné la page, de manière officielle, même si la séparation était déjà réelle dans ma tête.

 

     Je suis prête à essayer maintenant, à tenter ma chance et à me donner toute entière.

J'aime en toute honnêteté. Je l'aime.

     J'avancerai dans le flou, mais j'avancerai.

 

 

 

 

A demain, G.

Nana


Mardi 19 avril 2011 à 23:58

Chère page blanche,

 

 

 

     Je viens de réaliser que je n'ai pas été très présente ces jours-ci. Ceci dit, j'avais des raisons que tu peux comprendre. Comme je le dis à mes amis à chaque oubli : "j'ai la tête ailleurs". 

Contrairement à ce que je m'étais mis en tête il y a un bon bout de temps, je suis allée à ma soirée d'intégration hier. Et j'ai bien fait, c'est quelque chose que j'aurais regretté.

     Hier était une excellente journée. Je me suis sentie bien.

     J'ai rencontré ma responsable de suivi, et j'en suis heureuse. C'est quelqu'un d'agréable. Parler avec elle était facile.

     Et cette soirée. J'ai tellement ri. Et je l'ai vu, encore et encore. C'était tout simplement magique, d'enfin réussir à aller le voir, de lui parler, et de le faire rire. Et comme j'aime danser ! 

 

     Si seulement j'avais pu rester plus longtemps. Mais ce n'était pas à moi de choisir, semblait-il. Un goût de trop peu.

 

     Je lui ai dit "A lundi !". Et il souriait. Il sourit toujours.

     Et lundi, il me sourira.

 

 

 

Oh, I've felt that fire and I, I've been burned

But I wouldn't trade the pain for what I've learned

(Pink, Crystal Ball)

 

 

I could've had everything.

Nana


Mardi 19 avril 2011 à 23:59

Chère page blanche,

 

 

     Ce n'est pas ma journée. Et ce n'est pas la tienne non plus d'ailleurs, tu as planté, il y a peu de temps.

 

     J'avais dit tellement de belles choses. Mais aujourd'hui, tout m'échappe. Il m'échappe. Quoique. Je ne l'ai jamais eu. Mon sourire s'en va. Mes larmes s'échappent.

Elles viennent blanchir mes joues et saler mes lèvres.

Seuls les cris restent enfermés. Je n'y arrive plus.

 

 

     Tant de choses que je ne suis plus capable de faire librement.

     Et si je bois parfois, c'est pour ça. Je ne parle pas de faire la fête, mais bien de m'offrir un petit verre, toute seule. Il n'y a qu'ainsi que je retrouve ma voix. C'en est presque drôle, d'entendre cette voix douce, un peu grave et caressante lorsque je chante. Pas cette chose aigüe et coincée je ne sais où. 

 

     C'est naze. C'est pathétique. C'est mauvais et c'est dangereux. Mais je deviens si légère, d'un coup. Je perds tout contrôle. Et je respire à nouveau.

     Une sorte de liberté, une fois encore. 

 

 

Frank, marteze.

Nana


<< Page précédente | 1 | 2 | 3 | 4 | Page suivante >>

Créer un podcast